vendredi 21 décembre 2012

Récit de Noël : "La Fête des Fous"


L’air frais emplissait ses poumons tandis qu’il parcourait lentement le petit sentier qui le mènerait jusqu’au Saint Graal. Encore quelques mètres, plus que quelques mètres. Il avait déjà sortit son appareil photo et un sourire se dessinait sur ses lèvres. De la fumée froide sortait de sa bouche à chaque fois qu’il expirait et, de sa main gantée, il remonta son écharpe noire sur son menton. La brise glacée secoua une branche au dessus de lui et une pluie de neige s’abattit sur sa tête qu’il avait malheureusement oublié de protéger du bonnet en laine que sa mère lui avait pourtant ordonné de prendre. C’est ça la vie d’aventurier, se dit-il en secouant ses cheveux couverts de flocons. Il adorait sentir le craquement de la neige sous ses lourdes semelles et il se félicita d’être parti en expédition malgré la neige, le spectacle n’en serait que plus époustouflant.


- Enfin te voilà mon beau ! S’exclama-t-il lorsqu’il fut enfin arrivé à destination.

Il dégaina son attirail et, ni une ni deux, commença à prendre des centaines de clichés des magnifiques ruines enneigées de ce château médiéval qui se cachait dans les montagnes. Il ne restait plus qu’un morceau de façade et le bas de la tour, mais cela consistait déjà pour lui un véritable trésor. Après plusieurs minutes où il fit le tour de la bâtisse, il alla s’asseoir sur un rocher pour admirer le paysage, repu de savoirs et de connaissances. Qu’il était bon d’admirer les paysages enneigés à côté d’un mystérieux monument historique. Il ferma les yeux pour profiter des sons autour de lui et son corps entier frissonna. Dans à peine quelques jours, ce serait Noël. Noël, une fête qui avait traversé des siècles et des siècles d’histoires et qui était toujours restée extrêmement joyeuses. Comment était-ce Noël au Moyen Age ? Décorait-on les maisons d’un tas de breloques comme on le fait à présent ? Mangeait-on bien gras pour célébrer la naissance du Christ ? Une nouvelle fois, il ferma les yeux et tenta de revenir des siècles et des siècles en arrière, cherchant à deviner comment Noël se fêtait au milieu de ses forêts à l’époque médiévale…

"Gentils pasteurs, qui veillez en la prée,
Abandonnez tout amour terrien,
Jésus est né et vous craignez de rien,
Chantez Noël de jour et de vesprée."
Jean Daniel, XVe siècle

La fête la plus joyeuse se prépare et chaque maison, de la plus riche à la plus pauvre, se décore de houx et de verdure tandis que leurs propriétaires étalent avec fierté leurs habits neufs expressément sortis pour l’occasion. On reconstitue la crèche et, surtout, on se prépare à la Fête des « Fous ». Les habitants frissonnent de joie en pensant à la journée qui les attend. Une journée folle pour les fous où la folie vous guette à tout moment. Les festivités commencent, les rues se noircissent de monde et commencent à éclater les rires et s’entonner les chants. Là-bas, une femme vêtue de chausses se fait passer pour un homme, l’élève se fait passer pour le maître et on danse d’une manière folle. Dans les Eglises commencent les parodies liturgiques où est élu le roi des fous, les sermons sont joyeux et baragouinés dans un latin qui fait rire. Les ecclésiastiques se comportent comme des laïcs, cela semble vulgaire, mais c’est Noël, on s’amuse, on rit. On chante des chansons obscènes, on charrie dans les rues, les prêtres prennent des poses lascives et suggestives et il arrive que, de temps en temps, certains d’entre eux finissent leur nuit en compagnie d’une charmante créature aux courbes voluptueuses. Le soir du 25 décembre, on célèbre la messe qui est suivie de nombreuses réjouissances : on joue à des jeux de hasard et de chance, on chante, on danse, et on bavarde devant un copieux repas.

Impossible alors de ne pas rire en songeant à ce spectacle amusant et qui semblerait bien être le témoignage de ces nombreux paradoxes que l’on retrouve à l’époque médiévale avec, d’un côté, la vision d’une époque rimant avec noirceur, rigueur et obligations religieuses, et, de l’autre, cette image si gaie, si amusante et si impressionnante qui nous fait tomber follement amoureux des histoires de cette époque où ces personnages haut en couleurs savaient vraiment s’amuser. A la fin de ce récit il n’y a donc qu’une seule chose à dire : vivement Noël ! Et, cette année, espérons que la couronne du roi des fous ne tombera pas sur notre tête.

                                                                                                 Coralie Martin