jeudi 25 juillet 2013

Ambitions Médiévales : part. 5


  - J’espère que ce vieux Roland voit rouge ! Ricana un jour Jehan qui se félicitait de sa
vengeance.
  - Il est certainement en train de pleurnicher dans son château, ajouta Arold en s’esclaffant.
Ce bougre ne devait pas se douter que le fils bâtard d’Adrien puisse lui causer tant de tort.
Jehan se rembrunit.
  - Il n’est plus question de bâtardise, Arold. Je suis le Duc maintenant.
Arold s’empressa de répondre.
  - Pardonne-moi mon ami.
Jehan hocha la tête, signe qu’il pardonnait. Ils continuèrent de savourer leur vengeance en
compagnie des autres chevaliers, lorsque l’on annonça la mobilisation par Roland d’un bon
nombre de combattants.
  - Le sottard a donc décidé de répliquer, s’exclama Jehan que cette nouvelle excitait. A quand
la rencontre ?
  - Environ cinq jours, annonça l’un de ses alliés.
  - Qu’il vienne alors, fit le jeune Duc en souriant, ainsi ma victoire sera pleine.
  - Nous devons éviter la bataille rangée, lâcha Arold.
Jehan se tourna vers lui avec curiosité.
  - Pourquoi donc ? Son ost est-il plus grand que le mien ?
Arold fit signe que non, mais ajouta :
  - Une bataille rangée en rase campagne est beaucoup trop périlleuse.
  - Sommes-nous des hommes ou bien des chiots apeurés ? S’exclama Jehan. Nous ferons
comme il me plaira et l’idée d’une bataille rangée ne m’effraie point. Nous ne tirerons guère
de gloire à des escarmouches ou embuscades. Attaquons l’ennemi et détruisons le !
Personne ne s’opposa à sa décision, ce serait donc la technique de cavalerie montée.
A l’aube du cinquième jour, les deux armées se faisaient face. La cavalerie lança son
premier assaut contre l’ost de Roland. Les cavaliers avançaient d’abord lentement, la bannière
affichant fièrement les couleurs du duc Jehan, puis ceux-ci accélérèrent au moment d’arriver
sur l’ennemi, cherchant à disperser les chevaliers et former des groupes isolés faciles à
vaincre. Le duc s’engagea lui aussi au coeur de la bataille, tout fier qu’il était de montrer à son
armée qu’il était un meneur d’homme. Il serait un Duc combattant, l’exact opposé de ce
qu’avait été son père, ainsi que son frère qui n’avait cependant pas eu grand temps de se
forger une quelconque réputation. Hissé sur son cheval, il usait de son épée avec agilité,
faisant tomber plusieurs ennemis de leurs montures et poussant des cris de fierté à chacune de
ses victoires. Mais alors qu’il mettait en déroute un nouvel ennemi, il ne fit pas attention à
l’assaillant qui venait le prendre à revers et lui assena un coup violent dans le dos.
Complètement dérouté, il fut désarçonné de sa monture et tomba lourdement sur le sol. Il
parvint à se redresser tant bien que mal au milieu des cavalcades et des combats au sol, puis
jeta un coup d’oeil autour de lui, l’esprit encore embrumé.
  - Le Duc ! Hurla Arold, toujours sur sa monture, tandis que plusieurs bataillants se jetaient
sur Jehan après l’avoir reconnu. Protégez le Duc !
Le bâtard leva son épée et tenta de se défendre tandis que l’ennemi fonçait sur lui. Il constata
soudainement qu’il ne portait plus son heaume, sûrement était-il tombé lors de sa chute. Il
esquiva plusieurs coups successifs, grognant et grimaçant lorsqu’il recevait un coup d’estoc
sur son armure. Un allié vint se battre à ses côtés, repoussant l’un des chevaliers et le
conduisant à un combat face à face. Jehan fut soulagé de ces quelques secondes de répit que
l’arrivée du chevalier alliée provoqua, puis reprit immédiatement le combat. Ses pieds
s’enfonçaient légèrement dans la boue humide mêlée au sang et aux excréments de chevaux
qui jonchaient le sol, et il sentait ses forces s’amenuiser. La suffisance et la fierté qui l’avait
gagné jusqu’alors s’échappaient rapidement de lui afin de laisser place à une peur
envahissante. Ce pouvait-il qu’il se soit fourvoyé ? Etre lâche et inactif comme l’avait été son
père n’aurait-il pas été plus prudent afin de conserver l’héritage ? C’était en se cachant dans
ses terres et en évitant les batailles que l’on gardait la vie sauve ! Un nouveau coup d’épée lui
coupa le souffle et il tomba à genoux. Il contempla un moment ses bourreaux dont les yeux ne
laissaient voir aucune pitié ; aucune envie de le garder comme otage en échange d’une
imposante rançon. Dans le même temps, il les comprenait. Il avait saccagé leurs terres, violer
leurs femmes, estropié leurs enfants et tuer un bon nombre d’hommes. Personne dans leur
situation n’aurait pu faire preuve de clémence, lui-même ne l’aurait pu s’il avait été à leur
place avec le destin du vieux Roland entre ses mains. L’épée se leva devant lui tandis que les
échos de la bataille résonnaient toujours autour d’eux. Il ferma les yeux, songeant que son
héritage ne serait pas perdu grâce à Ariane et à leur fils. Ce petit garçon deviendrait le
nouveau duc, Arold veillerait soigneusement à ses intérêts. Jehan aurait tellement voulu
connaître le succès et rester duc encore plus longtemps que son paternel, mais le destin en
avait décidé autrement. Il n’entendit pas la lame s’abattre sur son cou, car seuls les battements
de son coeur résonnaient contre ses tympans, lui cachant alors tout autre son.
La tête de Jehan, le bâtard que l’ambition avait mené jusqu’ici, alla rouler sur le sol boueux en
clignant une dernière fois des yeux. Le corps s’affaissa et s’écroula dans une marre de sang
tandis que les ennemis retournaient au combat, personne de son ost ne semblant se rendre
compte que leur chef était mort. Le duc n’était plus.
Quelques mois plus tard, Ariane accouchait d’un bambin ressemblant étonnement à son père.
Une magnifique petite fille…

Coralie Martin

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