dimanche 21 décembre 2014

Retrouvailles 01


      Il faisait froid et la neige était épaisse cette année là. Tobias joignit les mains et souffla à l'intérieur dans l'espoir de se réchauffer. Le jeune homme coupait du bois depuis plusieurs heures déjà. Épuisé et frigorifié, il décida de rassembler le fruit de son travail, le hissa sur son dos et se mit en route. Le village se trouvait à plus d'une demi heure de marche et pourtant, le jeune homme espérait que ce voyage ne se termine jamais. Lorsqu'il arriva enfin en vue du hameaux qui l'avait vu grandir, ses yeux s'embuèrent de larmes. Cela faisait désormais plusieurs années que lui et son frère avaient été séparés de leurs parents lors de la terrible guerre qui secoua la région. Mais le pire, c'était que son petit frère fut enlevé peu de temps après. Il n'était alors qu'un enfant et Tobias, qui venait d'atteindre sa majorité, n'avait pas pu le protéger. En cette période de trouble, les rapts d'enfant étaient monnaie courante.
          Il regagna sa maison et s'arrêta un instant devant elle. Elle était en bien piteux état. La demeure qui avait été l'une des plus belles du village était désormais une simple ruine dont l'état empirait de plus en plus rapidement. Tobias entra, alluma un grand feu dans la cheminée et s’assit sur le grand canapé, dernier vestige de l'impressionnante richesse de la famille. Le jeune homme regarda les flemmes danser. Combien de temps ? Même lui n'aurait su le dire. Il se perdit tout simplement dans ses pensées. Lorsque Tobias revint à lui, l'idée de retrouver son frère était devenu une évidence. Était il mort ? Il n'en savait rien. Mais le jeune homme ne voulait plus passer un seul Noël seul. A vrai dire il ne voulait plus passer un seul jour seul. Il était pauvre et survivait en se débrouillant. Le village le respectait, mais son orgueil lui interdisait d'accepter l'aide de son voisinage et à travers ces années de labeurs il avait gagné en force et en maturité. Il était temps pour lui de partir.
          Le jeune homme monta le grand escalier en bois massif qui faisait jadis le faste de la demeure. Les marches grincèrent sous ses pas. Tobias regagna la chambre intacte de son frère, et resta planté là quelques minutes. Dans le plus grand silence il se promit de le retrouver. Il fit de même dans la chambre parentale, comme pour en garder un dernier souvenir. Le jeune homme gagna enfin sa chambre et commença à rassembler ses affaires. Il n'emmènerait que le stricte minimum. Un couteau et deux trois effets personnels, un peu de nourriture et le peu d'argent qu'il avait ; il ne lui en fallait pas plus pour survivre. Avec le temps il avait appris à se débrouiller. Lorsque tout fut près, Tobias mangea un bout de pain assis en tailleur sur son lit, les larmes aux yeux. Pour lui, il était difficile de quitter son ancienne vie, ou plutôt ce qui faisait son ancienne vie car hormis la maison délabrée, son ancienne vie remontait à très loin maintenant.
          Lorsque le jeune homme eu finit de manger, il emmitoufla dans sa couverture et redescendit se poser devant la cheminée. Les nuits étaient de plus en plus froides et c'était désormais le dernier endroit où l'on pouvait encore avoir chaud. Dans le silence de la nuit, le jeune homme finit par s'assoupir.

        Il gravissait la colline enneigée les yeux baignés de larmes. Il marchait face au vent, face au soleil levant. Qu'avait il fait, mais qu'avait il fait se répétait il dans sa tête. Lorsqu'enfin Tobias arriva au sommet de la colline il se retourna et contempla avec émerveillement la somptueuse plaine blanche qu'il avait laissé derrière lui. De là où il était, il pouvait apercevoir son ancienne demeure succomber sous les flammes. Le jeune homme y avait mis le feux peut avant le lever du soleil et s'était enfuis juste après. Il savait que les habitants allaient très rapidement essayer d'éteindre les flammes et son orgueil ne voulait pas que quelqu'un le repère dans sa fuite. En effet, Tobias ne voulait rien laisser de son ancienne vie, de sa misère, et les temps heureux qu'il avait vécu, eux, vivraient éternellement dans son cœur. Le jeune homme préférait donc être pris pour mort que pour un fugitif. Après cette dernière contemplation, il tourna les talon, et partit pour l'inconnu.

Par Thomas. 

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